28-29 janv. 2026 Montréal et le monde entier ! (Canada)

Appel à communications

Appel à Communications

Colloque International d’hiver de l’Association pour la Recherche Qualitative (ARQ) 

« Une activité qualitative de connaissance.

Ou Comment produire des théories, concepts et données empiriques de qualité et les approprier intelligemment ? dans un mémoire, une thèse ou la conception d’une intervention novatrice »

 

Entièrement en ligne le mercredi 28 et le jeudi 29 janvier 2026

Date limite pour envoi des propositions : 12 décembre 2025

L’ARQ propose un événement de deux jours qui se tiendra entièrement en ligne pour réfléchir collectivement sur le thème d’une activité qualitative de connaissance. En prenant en compte le caractère inédit de l’introduction de l’« IA » dans la recherche, des appels institutionnels à l’interdisciplinarité et d’une plus grande sensibilité, dans la société et dans le milieu académique, aux injustices épistémiques, nous continuerons[1] à interroger les chemins théoriques et méthodologiques empruntables.

Une activité qualitative de connaissance en contexte de grandes transformations technologiques et sociales. Bis repetita ?

Au 19e siècle, l’inquiétude liée à des transformations sociales introduites par les révolutions industrielles devient palpable au travers de l’augmentation exponentielle de discours savants sur les populations marginalisées (Foucault, 1975-76). C’est le temps des premières monographies issues d’un travail de collecte de données de terrain et de leur analyse systématique, par des notables (médecins, commissaires de police, ingénieurs, philanthropes, etc.) pressés d’agir contre les désordres publics et/ou au nom du Progrès. À la fin de ce siècle, les pionniers des sciences sociales constatent que ce type de littérature reconduit bien souvent les préjugés de départ de ses auteurs (Berthelot, 2005). Plus tard, des chercheuses et des chercheurs, en lien avec des mobilisations militantes des années 1960 à nos jours, ont conceptualisé des approches afin de soutenir l’émancipation de biais cognitifs liés à des stéréotypes de classe, de genre, de race, etc. (standpoint view, psychodynamique du travail, ethnographie institutionnelle, histoire orale féministe, etc.). Leur maniement habile a fait émerger des savoirs oubliés, invisibilisés ou minorisés (Ueno, 1997 ; Harding 1991 ; Smith, 2005). Se mettre à distance du récit des vainqueurs (Benjamin [1940] 1991 ; Fanon, 1952 ; Mathieu, 1991) ou, encore, s’extraire de la tendance cognitive à la réduction ou à la généralisation abusive ne vont cependant pas de soi, de même que de cesser d’entretenir des oppositions (stériles) entre théoriciens de la connaissance, par exemple, entre « réalistes » et « constructivistes ». Faire des sauts qualitatifs dans l’activité de recherche y compris dans des domaines d’étude inspirés des luttes sociales est possible, en témoigne le récent « tournant corporel » des études sur le genre (Bereni, Chauvin, Jaunet et Révillard, 2020). Loin de se désintéresser des technologies modernes, elles ont amené des réflexions ontologiques innovantes sur la production de la réalité (manifeste cyborg de Donna Haraway, les réflexions de Paul B. Preciado dans la suite des réflexions de Michel Foucault sur la biopolitique). Dans des disciplines pratiques ou appliquées, un regard plus attentif aux émotions (Rouleau et Grosjean, 2020) a fait apparaître dans les organisations des dimensions d’expériences et de phénomènes passées sous silence. La mobilisation de technologies médiatrices de cueillette ou d’analyse (photovoice, film de recherche, logiciels de traitement de données, IA ou machines apprenantes) apparaît aussi comme une manière de saisir les sensibilités d’un groupe ou d’une époque, tout en prenant en compte les environnements avec leur historicité, leur mémoire sociale accessible via des traces matérielles localisées ou des matérialités cognitives (ie concepts) (Sabourin [1997]. 2004) et leurs transformations au travers de médiations et de réseaux mouvants (Sabourin, 2024 ; Grossetti et Pradère, 2025),

Enfin, les théories de la connaissance ont cherché, parfois, à traduire des questions philosophiques comme la coexistence pacifique des différends (Kaminski, 2022), l’universelle singularité humaine ou les rapports de vérité que nous entretenons avec nous-mêmes, comme individu, groupe ou communauté (Poupart et al., 1997). Les expressions aujourd’hui popularisées de fake-news, de post-vérité et bientôt de post-réalité (Bronner, 2025) traduisent-elles pour autant des réalités inédites ? Ne sont-ce pas les modes de production qui sont nouveaux : par exemple, plus rapides, plus liés à l’image qu’aux mots, dans les mains des propriétaires de la tech plutôt que celles des industries du charbon et de l’acier, etc. ? Quelle est la part du même et du différent ?

Dans ce contexte contemporain marqué par des transformations majeures, irrigué de nouvelles sensibilités et de technologies génératives, comment les chercheuses et les chercheurs voient-iels leurs activités se transformer ? L’horizon de l’interdisciplinarité promu institutionnellement dans le milieu académique appelle-t-il des formes nouvelles d’articulation entre théories, concepts et données empiriques ? Quels types ou formes de production savante inédites peut-il en ressortir ? Les interventions ou pratiques novatrices qui peuvent en émerger appellent-elles des collaborations plus soutenues avec les actrices et les acteurs dans les organisations ou collectifs citoyens ? Les savoirs, savoir-faire, habiletés, savoir-être qui sont « travaillés » sont-ils en train de créer une ou un chercheur nouveau ? L’appropriation habile des savoirs dans des communautés, organisations, ou groupes n’a rien d’un geste passif. Mobilise-t-elle une activité qualitative de connaissance d’un autre ordre que celle qui se déploie dans le milieu académique ?

Comment produire des théories, des concepts et de données empiriques de qualité ainsi qu’en faire une appropriation intelligente ? Comment s’approprier intelligemment les outils numériques d’extraction massive de données ou leur générativité conceptuelle ? Peut-on se désintéresser des conditions sociales, institutionnelles ou intersubjectives pour penser et mettre en œuvre des rencontres fécondes avec un objet, une théorie, un concept, une méthode, des données et finalement avec des actrices et des acteurs habitant les terrains de recherche ?

De nombreux manuels de méthodologie ou des monographies dédiés à une approche ou méthode de recherche spécifique proposent des modèles de cheminement. La prolifération de ce type d’ouvrages didactiques a pour revers d’exposer à des normes de recherche plurielles et pas toujours convergentes. Faut-il avoir recours à une théorie antécédente ? Empêche-t-elle la production d’une théorie ancrée dans les données (Glaser et Strauss [1967], 2010), de rendre compte des interprétations des actrices et des acteurs, de la théorie latente qui s’exprime dans leurs actions (Schön, 1994) et leurs ruses (Dejours [1999]. 2018) ? Faut-il séjourner dans « l’événement et l’incertitude » (Kaminski, 2022) pour rester sensible et restituer le foisonnement du réel, son épaisseur ou les « grains fins » (Newton, 2000, cité dans Maunier, 2022) ?

 

Visées du colloque et types de propositions

Fondée en 1986, l’ARQ célèbrera à l’occasion de ce colloque international d’hiver en ligne son 40e anniversaire. L’équipe responsable de cet appel à communication saisit ce moment pour qualifier différentes formes d’appropriation et de production de savoirs ainsi que rendre compte des liens qui se tissent – et de différentes manières – entre théories, concepts et données empiriques dans une activité qualitative de connaissance à visée scientifique ou/et de transformation sociale.

Avec ou sans recours à des technologies numériques, y a-t-il des propositions théoriques – des normes ou des traditions de recherche – qui auraient des propriétés supérieures, et selon quel point de vue ? Une sensibilité théorique ou à une cause sociale nuit-elle à l’objectivation ? Les concepts de « neutralité » et de « biais » ne piègent-ils pas la réflexion ? Les enjeux actuels posés par l’inégalité économique, la xénophobie, l’autoritarisme, le masculinisme, etc. impliquent-ils de s’inspirer de théories sociales de la justice, de perspectives critiques de recherche ou décoloniales ? Une connaissance de qualité peut-elle être seulement liéeà l’organisation méthodique d’un travail de la preuve ? Et dans l’horizon de transformer le statu quo, l’exposition inégale et différentielle aux drames et aux bonheurs, pouvons-nous compter sur des dispositifs méthodologiques (Pires, 2022) ?

Ces questions ne sont pas nouvelles (Weber [1919], 2005 ; Mills [1961], 2006) ; elles sont néanmoins dans le contexte des attaques contre la science et les universités, d’une actualité brûlante. Elles sont aussi déterminantes pour le progrès des connaissances (Parent et Rivet-Préfontaine, 2024), ainsi que pour leur appropriation habile et éthiquement responsable dans différentes communautés, académiques et extra-académiques, toutes engagées dans et par un monde en réseaux. Les transformations technologiques et sociales majeures sont une occasion de poser des questions fondamentales et d’engager les chercheuses et les chercheurs à partager ce qui continue à les faire « danser sous la pluie » (Stengers, 2023).

 

Nous attendons des propositions de communication de plusieurs types :

-        Partager des récits de pratique de recherche : comment des théories, des balises conceptuelles, des instruments de collecte ou d’analyse ou encore des normes méthodologiques, questionnements épistémologiques, ontologiques et éthiques ont facilité ou, au contraire, rendue sinueuse, l’organisation d’une épreuve du réel, le processus d’objectivation tout en rendant (in)-satisfaisante cette pratique, pour soi, du point de vue d’un engagement responsable (éthiquement ou politiquement) en recherche, dans un milieu de vie, militant ou de pratique professionnelle.

-        Des recherches sur l’introduction et le développement de certaines approches ou dispositifs méthodologiques dans une université, un centre de recherche, une discipline, un champ d’étude, les liens qu’elles entretiennent avec des réseaux, des acteurs, des contextes, etc.

-        Des synthèses analytiques permettant d’identifier les propriétés fondamentales d’une approche de recherche, d’une tradition de recherche, d’un dispositif méthodologique, ainsi que les critiques dont elles ont pu faire l’objet et les réponses que leurs inventeurs ou partisans ont formulées. Ce type de synthèse pourrait aussi montrer comment une théorie de la connaissance ou une relecture critique de l’œuvre de certain.e.s pionnier.e.s dans des disciplines dites fondamentales (sociologie, anthropologie, psychologie, biologie, etc.), pratiques ou appliquées (éducation, travail social, sciences infirmières, management, etc.), ont des potentiels pour soutenir l’intelligence rusée des chercheur.e.s ou/et un engagement responsable sur leur terrain.

 

Responsables du colloque :

Héloïse Haliday, Maître de conférences-HDR, Université Bourgogne Europe

Youssra Hdayed, Docteure en sciences de gestion, Université de Bordeaux

Amélie Maugère, Professeure agrégée, École de travail social, Université de Montréal

 

Bibliographie citée :

Benjamin, W., & Monnoyer, J.-M. (1991). Écrits français [1940]. Gallimard.

Bereni, L., Chauvin, S., Jaunait, A., & Revillard, A. (2020). Introduction aux études sur le genre (3e édition) De Boeck supérieur

Berthelot, J. M. (2005). La construction de la sociologie, PUF.

Bronner, G. (2025), À l’assaut du réel, PUF.

Dejours, C. (2018). Le facteur humain (7e ed). PUF/Humensis.

Fanon, F. (1952). Peau noire, masques blancs. Seuil.

Foucault, M. ([1975-1976], 1997). « Il faut défendre la société » : Cours au Collège de France. Seuil/Gallimard.

Glaser, B. G., Strauss, A. L., Oeuvray, K., Soulet, M.-H., & Paillé, P. (2010). La découverte de la théorie ancrée : stratégies pour la recherche qualitative. Armand Colin.

Grossetti, M. et M. Pradère, « « Comment j’ai découvert l’analyse des réseaux et pourquoi j’ai trouvé ça cool » Conférence Frognet 2024 », Arcs. Analyse de réseaux pour les sciences sociales, « Les chaînes relationnelles », 2025

Harding, S. (1991). Whose Science? Whose Knowledge?: Thinking from Women’s Lives. Cornell University Press.

Kaminski, D. (2022), Au plus neutre de la critique. Dans P. Corriveau, G. Pelletier, A. P. Pires et L. K. Sosoe (dir.), Normativité et critique en sciences sociales (p. 257-280). Presses de l’Université Laval.

Mathieu, N.-C. (1991). L’anatomie politique : catégorisations et idéologies du sexe. Côté-femmes.

Maunier, S. (2022), L’ethnographie institutionnelle : une méthodologie au service d’un regard critique sur l’assurance qualité, dans Maugère et al., Usage des perspectives critiques en recherche Qualitative, Recherches Qualitatives, Hors-Série, p. 48-67.

Mills, C. W., & Clinquart, P. (2006). L’imagination sociologique [1961]. La Découverte.

Parent, F. et L. Rivet-Préfontaine, dir., (2024), Une proposition de coopération sociologique située dans l’horizon des sciences, Explorations sociologiques, Recherches Qualitatives

Poupart, J., J.-P. Deslauriers, L.-H. Groulx, A. Laperrière, R. Mayer et A. P. Pires (dir.), La recherche qualitative : enjeux épistémologiques et méthodologiques (p. 3-54). Gaëtan Morin.

Pires, A. P. (2022), Fait, norme et valeur : au-delà du traité des Tordesillas. L’apport de Max Weber. Dans P. Corriveau, G. Pelletier, A. P. Pires et L. K. Sosoe (dir.), Normativité et critique en sciences sociales (p. 93-143). Presses de l’Université Laval.

Rouleau, L. et S. Grosjean, dir. (2020), Sensorialité, émotion et esthétique en recherche qualitative, Recherches Qualitatives, Hors-série.

Sabourin, P. (2004). Perspective sur la mémoire sociale de Maurice Halbwachs [1997]. In Sociologie et sociétés. J.-M. Tremblay.

Sabourin, P. (2024) Une méthodologie générale de la sociologie? Les médiations sociales de la production de la connaissance sociologique. Explorations sociologiques

Schön, D. A. (1994). Le praticien réflexif : à la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel. Éditions Logiques.

Smith, D. (2005). Institutional ethnography. AltaMira Press.

Stengers, I. (2023). Apprendre à bien parler des sciences : La Vierge et le neutrino. La Découverte.

Ueno, C., « Narratives of the Past. Against Historical Revisionism on ‘Comfort Women’», dans Critical Readings in Twentieth Century Japanese Thought, sous la direction de Livia Monnet, PUM, 2002, p. 303-325.

Weber, M. (2001). Le savant et le politique [1919]. J.-M. Tremblay. http://dx.doi.org/doi:10.1522/cla.wem.sav

 



[1] 36e Colloque de l’ARQ « S’engager en recherche qualitative : passé, présent et futurs désirables à l’ère des grandes transformations technologiques et sociales » au Congrès de l’ACFAS organisé à l’Université d’Ottawa, 16 et 17 mai 2024. Colloque « Vulgariser les sciences » organisé par l’équipe d’Explorations Sociologiques et le Laboratoire de recherches ethnographiques du Québec (LABREQ), UQAM, 7 juin 2023.

 

Consignes de rédaction des propositions

La proposition, d'une taille maximale de deux pages sous format word ou pdf attachée au dépôt du résumé sur ce site, sera constituée des éléments suivants : 

Titre de la communication, le nom, l’affiliation et les coordonnées de la personne qui présentera la communication (notamment le pays depuis lequel parlera l’intervenant.e afin de coordonner la logistique des fuseaux horaires), ainsi qu’un résumé (deux pages maximum, bibliographie non-comprise, interligne 1,5, Times New Roman ou équivalent, police 12).

Détailler les idées en fonction des dimensions suivantes :

  1. Mise en contexte de la recherche empirique : a) but/visée de connaissance / b) problématisation / c) pertinence scientifique d) Optionnel : pertinence sociale de la problématique
  2. Présentation du processus de recherche
  3. Explicitation des enjeux rencontrés dans le processus de recherche et
  4. Description de l’élément spécifique faisant l’objet de la présentation et qui sera mis en discussion (1 page)

Le résumé devra être téléversé sur cette plate-forme, ainsi qu’un document word, pdf ou odt/odf afin d’éditer un livret général des communications présentées durant le colloque. Tous les participant.e.s inscrit.e.s auront accès à ce livret.

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